Bonjour à Tous
Aujourd’hui nous partageons avec vous un vrai cas que nous avons géré et duquel nous avons appris une leçon importante. La question maîtresse comme le titre l’indique est la suivante: entre la clinique et la pathologie en conflit, qui gagnera? sans beaucoup trainer, rencontrons notre patient:
Le Cas Clinique
Notre patient de 70 ans est admis aux soins intensifs pour une détresse respiratoire sévère, nécessitant une intubation endotrachéale après moins de 24 heures avec une hypoxémie sévère et des rapports PaO2/FiO2 à 70. Il ne présentait pas de signes infectieux, très peu ou pas de signes de surcharge.
Un scanner thoracique effectué révèle des lésions parenchymateuse à type de verre dépoli diffuses et bilatérales sans gradient apicobasal, pas de lésions en nid d’abeille et pas de lésions kystiques ou emphysémateuses. le tout en faveur d’une pneumopathie interstitielle à type NSIP.
Une bronchoscopie révèle un liquide lymphocytaire avec un rapport CD4/CD8 à 4 et ne décèle pas d’agents infectieux.
Le patient est mis sous bolus de corticoïdes à 500 mg pour 3 jours, puis passage à 60mg par jour.
Il s’améliore rapidement et est extubé après 4 jours de ventilation invasive. Cependant il se détériore très rapidement post extubation et nécessite une réintubation 24h plus tard.
Devant une absence de diagnostic clair, il est décidé de partir à la biopsie chirurgicale.
Une seule biopsie lingulaire est faite et contre toute attente, revient avec le diagnostic suivant:
” Pneumopathie interstitielle, compatible avec un pattern d’ UIP. Présence de membranes hyalines focales, compatible avec une exacerbation de l’UIP sous-jacente.”
Et là, on est arrivé devant une impasse: est ce qu’on croit au diagnostic pathologique et on baisse les bras devant une UIP en poussée ou on rejette ce résultat et on tient à notre clinique qui, en aucun cas, ressemble à une pathologie “UIPienne”?
Après une revue de la littérature (que nous partagerons évidement avec vous) nous avons réussi à prendre une décision qui était de prendre la clinique en main, défier le diagnostic pathologique et continuer avec notre corticothérapie.
Avant de vous raconter le sort de notre cher patient, voici l’évidence qui nous a aidé à prendre position après avoir réussi à répondre à plusieurs questions.
Conflit Radio-pathologique
La première question que nous nous sommes posés:
” Que disent les recommandations devant une discordance radio-pathologique si la pathologie rend un diagnostic d’UIP?
Le consensus de 2011 est conscient de cette situation, et dit que le diagnostic d’UIP dans cette situation est possible, donc non certain. En plus, le consensus recommande de vérifier tout le processus diagnostic: la qualité de l’imagerie, la qualité de la biopsie, et la qualité de la lecture de la pathologie.
Notre imagerie était de bonne qualité et permettait clairement de dire que le scanner était “inconsistent with UIP”. Nos pathologues avait revu leurs lames et ne présentaient aucun doute quant à leur diagnostic. Il restait alors de vérifier la qualité de la biospie.
Les critères de biopsies
Les recommandations sont claires dans ce sens: il faut choisir des zones ni trop normales ni trop malades. pour la simple raison que le normal est “too good to be true” et le trop malade est “too bad to be true” et les deux ne peuvent pas présenter la maladie. une révision du scanner et une discussion pneumo-chirurgicale est recommandée afin d’aboutir au meilleur rendement du geste chirurgical.
Vu l’état critique de notre patient, les chirurgiens avaient juste pris une biopsie lingulaire de 4cm de diamètre.
Notre prochaine question était alors: la lingula représente-t-elle un bon échantillon?
Nous savons qu’historiquement, la lingula et le lobe moyen étaient considérés comme de mauvaises zones à biopsier à cause d’une mauvaise valeur diagnostic. “les poubelles des poumons” on les nommait. Cependant, ces résultats n’ont jamais été validés après 1984, et toutes les études qui ont traité ce sujet depuis, ont conclu que la lingula, si scannographiquement biopsable, n’est pas une zone à éviter. Ces conclusions sont concordants avec les recommandations de la BTS, l’ATS et l’ERS.
La prochaine question que nous nous étions posés était: peut-on avoir de différents types histologiques dans un même poumon?
La réponse courte est clairement oui!
La littérature est déjà bien pleine de séries qui montrent que 25% des patients biopsiés montraient des patterns UIP-NSIP conter 75% de pattern UIP-UIP.
Pour la pneumopathie d’hypersensibilité, nous savons que seulement 66% montrent la pathologie en question, contre 13% qui montrent seulement une UIP, 13% qui montrent un pattern mixte UIP-Pneumonie d’hypersensibilité et 6% qui montrent une NSIP.
Il fallait faire comment alors pour avoir les meilleures chances d’éviter cette situation?
le consensus de 2011 a sorti des recommandations pour la biopsie chirurgicale dans les pneumopathies interstitielles. Nous résumons celles là comme la règle 1-2-3-4: >1 biopsie, 2 lobes ou plus, 3 cm de la plèvre, et 4cm de diamètre ou plus par biopsie quand le poumon est ventilé.
Revenons à notre patient
en fin de compte, notre patient a bien répondu aux corticoïdes et a quasi complètement nettoyé ses poumons.
Malheureusement, la biopsie chirurgicale qui était censée nous mettre au clair a été en fin de compte juste un élément confusionnel qui n’a fait que semer le doute dans notre esprit alors que notre attitude clinique était tout à fait appropriée.
Le diagnostic final chez ce patient n’a pas pu aller plus loin qu’une pneumopathie interstitielle cortico-sensible avec une liste des diagnostics différentiels autour d’une NSIP, COP ou pneumonie d’hypersensibilité.
Conclusion
Le message dans notre cas est de ne pas toujours croire aux tissus, mais plutôt peser le poids de chaque vérité afin de sortir la meilleure prise en charge. Nous étions un peu comme l’audience devant ce petit tour de “magie”: tout le monde est confiant que la femme coupée en deux ne l’est pas, et ce ne sont pas ses jambes qu’on voit, même si personne ne sait ces jambes appartiennent à qui…